La Camargue rouge et Baroncelli... "Lou Marqués" et Jacob White Eye

En ce temps là (1905), le nouveau monde avait déjà été conquis et ses valeurs dépossédées par les envahisseurs cupides issus du vieux monde... Après 400 ans de génocide, de trahisons, d'évangélisation aveugle autant que criminelle, les natifs du continent de la "grande tortue" (Amérique), étaient passés de 15 millions d'âmes à quelques milliers de survivants parqués dans des réserves comme des animaux d'abattoir. Au terme du pire massacre organisé et ignoré qu'aucun peuple ne connaîtra jamais, les États-Unis d'Amérique avaient désormais bâti leurs fondations mercantiles sur le sang du génocide Amérindien. Sous la terreur, les valeurs indigènes avaient été troquées contre celles, imposées d'une église si étroite que de leurs croyances elle n'avait pas pu malgré leur indulgence totalement effacer leurs persuasions. 

Le monde Amérindien se mourrait, faible, et sans grand espoir, gardant jusqu'au bout en son sein Dignité, Bravoure, et franchise mais aussi son abnégation docile.

Non content d'avoir décimé des tribus indiennes au service d'une armée colonisatrice, un homme, célèbre pour ses exactions, ses tueries animales et humaines et son mépris des valeurs naturelles dés lors qu'elles ne lui étaient pas soumises, décida d'exhiber à L'ennui de cette vieille Europe en mal de sensations, ceux qu'au coté des usurpateurs il avait aidé à vaincre. 

Surnommé "Buffalo Bill" pour ses aptitudes à massacrer des troupeaux de bisons, le capitaine William Cody, mercenaire opportuniste, créa un cirque gigantesque autour du spectacle de centaines de figurants mettant en valeur ces dernières heures de l'ouest Américain qui avaient fasciné ses instincts destructeurs.

L'immense troupe du "Buffalo Bill Wild West" et son "congres of rough riders" durant presque 3 ans, amena "la Prairie aux palaces", lors d'un périple de 63.000 miles en Europe puis dans ces États-unis qui avaient déjà oublié leur passé sali du sang des tribus autochtones.

Le 8 Août 1905, l'énorme campement  est établi en France, en Avignon, en Courtine, sur le lieu dit des grandes manœuvres, (à 1 km du futur siége d'Ultimathera...). 

Un Homme, noble de cœur avant de l'être de sang, entend parler des fantastiques cavaliers du B.B.W.W. Il est provençal, d'origine italienne florentine. Et même s'il est né dans l'aisance à Aix en Provence, son âme bat malgré tout pour la Camargue et sa rudesse inhospitalière. Défenseur de cette région et de ses valeurs, Baroncelli a fondé dés 1904 la "Nacioun Gardiano", entité à la fois géographique, éthique, morale et humaine autour de son peuple cavalier, du monde gitan qu'il protége, et de ce pays difficile animé de chevaux et de taureaux sauvages qu'il veut faire vivre à tout crin.

Folco de Baroncelli vit, pense, écrit parmi les chevaux et les taureaux de Camargue.. qu'il protége et admire. Il est attiré par ces peaux rouges Sioux que "Buffalo Bill"  a amené. Il les rencontre en Avignon. D'emblée, ces hommes dont la langue est différente de la sienne le fascinent et c'est réciproque. L'un d'eux, Jacob White Eye parle et écrit en anglais couramment. Avec lui, Baroncelli forgera une amitié plus qu'intime. Il les ramènera vivre durant quelques mois avec lui, aux Saintes Maries de la mer. 

Les autres, Sam Lone Bear, et Iron tail les accompagnent. Les lakotas se sentent presque chez eux dans cette nature sauvage qui leur rappelle leur terres autrefois libres. Baroncelli apprend du monde sioux autant que les sioux apprennent de la Camargue. 

De la culture équestre Lakota complice, Baroncelli affirme la monte libre...Baroncelli monte à cru façon Lakota 

Ces mois sont autant d'échanges et de conversations pour les uns et les autres que de gages matériels d'Amitié entre les hommes: le vin blanc de Chateauneuf du Pape aide les conversations malgré les langues différentes. Les chevaux Camargue rustiques et agiles fascinent les sioux.  Les lakotas laissent à Baroncelli des objets authentiques, parure, mocassins, coiffes. Plus tard, pour les aider, il leur enverra dés 1905 des mandats pour faciliter leur vie précaire durant les dernières heures de la troupe.

Baroncelli portant coiffe sacréeSam Lone BearJacob White Eye

Car le cirque infernal repartit dés l'Automne 1905 pour une tournée italienne, puis en Europe centrale, en Allemagne, en Belgique... Le cirque repartira en 1906 sans un de ses hommes descendant de Last horse, échappé de la troupe, et à la recherche de ce camarguais qui accueille et aide les sioux... Officiellement, on ne le revit jamais...

Dés cette période et jusqu'en 1917, une correspondance réciproque et serrée s'établit entre Baroncelli et Jacob White Eye. Ces courriers sont bien plus que des échanges culturels de simples correspondants. Les 2 hommes parlent de manière intense de leurs valeurs, de leurs déboires, de la mort de leurs proches. Vite, Baroncelli, l'italien noble ressent son indianité et la confie à Jacob le rouge. Jacob le considère d'emblée comme l'un des leurs. Baroncelli est parfois littéraire, mais poignant. Jacob est chroniqueur des dernières heures de Dignité de la réserve de Pine Ridge où après avoir refusé de suivre Buffalo Bill il regarde son peuple s'éteindre.

Pendant longtemps, malgré la guerre de 1914 qui ralentit le courrier,  les 2 hommes établissent un pont au-dessus de l'histoire, des horreurs passées, et parlent de chevaux, de taureaux, de souvenir du vin blanc, de liberté... d'Amour entre peuples, entre "Fraïres rouges".

En Octobre 1905, Baroncelli écrira sur l'air d'une Ghost Dance Lakota (dance des Esprits), la complainte du Soulomié Rouge (La ballade rouge) issue de son livre "blad de luno", en hommage à ceux des peuples rouges tombés sous l'avidité des blancs. Dans de nombreux courriers, Baroncelli déclare qu'il a été Indien dans une autre vie et que son cœur est resté "rouge". 

Longtemps après cette correspondance, Baroncelli gardera intact le souvenir de ses frères Lakotas de l' autre monde qui l'avaient surnommé Zinkala washté (oiseau fidéle)...

Baroncelli s'est investi dans d'autres combats justes et humanitaires sans oublier ses amis du peuple rouge. On lui doit entre autres d'avoir sauvé en leur conférant un statut les races de taureaux et de chevaux de race Camargue. Il défend le peuple gitan (et lui donne droit de cité contre l' Église  au pèlerinage des Saintes), les Boers, et tout ceux qui souffrent, issus de minorités ou du dédain d'une société ignorante et égoïste. 

Bien avant d'autres, au delà des clivages politiques, de souche noble, il luttera pourtant pour les communistes sous la dictature franquiste espagnole, et Il mourra en 1944 en Avignon, appauvri par ses luttes , en être libre, ruiné mais digne. Avec certains du félibrige dont Joseph d'Arbaud, manadier comme lui, ils écrivirent longtemps en faveur du peuple rouge et des chevaux, malgré le manque d'ouverture d'esprit.

Peu de touristes qui traversent les Saintes Maries ont eu la curiosité de pousser la porte du petit musée de "Lou Marqués" aux Stes Maries, ou mieux du Musée du Roure en Avignon, et de découvrir sa vie de cavalier-chevalier, militant écologiste avant l'heure, protecteur des animaux, de la nature, des valeurs et vraies traditions locales, des minorités proches ou lointaines, de de tout ceux que d'autres ont oublié pour mieux les exploiter...

A Pine ridge, les Lakotas ont gardé précieusement la correspondance de "Lou Marqués", et certains, plus prés de nous reviennent parfois se recueillir depuis le Nouveau Monde sur le tombeau du Marquis à peine signalé aux visiteurs des Saintes Maries. 

Il restent persuadés qu'un jour "Montezuma", le Messie, Fils du Soleil reviendra et qu'alors "les fils de la Terre reprendront possession de la terre et les temps passés redeviendront les temps nouveaux"...

J'ai ignoré durant 18 ans ce petit musée, préférant les échoppes amérindiennes de la rue piétonne des Saintes, et les dunes sauvages du delta de Camargue. En poussant la porte, en découvrant le portrait en pied de cet In-Dien fou de chevaux qui porte le même nom que le mien, j'allais rentrer irréversiblement dans mon passé, et renouer avec ces sensations qui me hantent depuis que je me souviens de mes rêves. Mais le choc fut de découvrir à 2 pas de l'endroit où je vis au musée du Roure d'Avignon grâce à sa conservatrice, la somme énorme de photos, données recueils et courriers traduisant une relation vieille de 100 ans entre un homme qui a défendu la Vie, et un autre qui a raconté le déclin de son peuple sur du papier jauni et des cartes postales.

A mon tour, je travaille pour rétablir la vie, "rue de la vénus d'Arles", à 2 pas de la "rue de la ballade rouge"... et pendant des dizaines d'années, j'ai ignoré comme des milliers de provençaux que cette rue d'une cité difficile était un hommage vibrant décerné par le Marquis humaniste d'une Terre Ultime au peuple libre de ceux qui s'éteignaient sous le soleil d'une autre Amérique.

Je ne connais pas mes origines exactes. J'ai découvert récemment qu'elles se situent au delà de l'état civil, à ce moment même où une centaine d'indiens, déracinés par Buffalo Bill, ont aussi croisé le regard d'une de mes ancêtres, à Marseille...  J'ai été profondément ému, retourné comme quelqu'un retrouvé par la trace furtive voire effacée des pas de "ceux qui ont été avant". Je sais juste comme le prétendait Baroncelli que mon Sang a déjà vécu au sein du Peuple Rouge. Je comprends maintenant où j'ai appris à vivre et me sentir mieux  prés des chevaux libres, pourquoi j'aime rougir ma peau au soleil ardent et pourquoi je ressens autant de douleur et d'amour en me souvenant des  visages burinés de  ces femmes et de ces hommes, abandonnés par l'indifférence et la cupidité d' une humanité blanche conquérante. 

Je me rappelle maintenant, mieux qu'au cours de ces milliers de rêves où ma Conscience s'est doucement réveillée. Je me souviens de mieux en mieux... et je compte bien continuer le travail de ces hommes et femmes qui ont lutté et donné leur Vie pour celle des plus petits d'entre eux, fussent-ils animaux ou "humanimaux"...

François Jacob-Burned-Wolf

 

 

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